Ott, voilà un nom qui ne sonne pas très provençal ! Et pour cause : Marcel Ott était Alsacien ! Cet ingénieur agronome passionné par la vigne, entreprit en 1896 un périple à travers la France dans le but de trouver LE domaine qui lui permettra de produire les grands vins qu’il rêve de signer. C’est en Provence que la rencontre aura lieu. Pourtant, les terres caillouteuses et pentues de la région ne présagent pas une sinécure ! Marcel fait tout de même confiance à son intuition et acquiert le premier domaine de sa collection, le Château de Selle, en 1912.
Situé à Taradeau, dans le Haut Var, le terroir y est alors particulièrement aride… et vierge de toute vignes ! En effet, le phylloxéra a fait son œuvre et la région est presque décimée. Cela ne décourage pas Marcel qui s’attèle à replanter le vignoble, en gardant en tête son objectif : créer des vins d’excellence. Pour cela, son choix se porte sur des cépages nobles capables de valoriser les terroirs exceptionnels du lieu, dont les sols composés de gypse, d'argile rouge, de dolomies, de grès et de graviers constituent une véritable mine d’or pour le vigneron ! Peut-être a-t-il retrouvé dans cette mosaïque de terroirs les fameux puzzles géologiques qui font la richesse du vignoble alsacien ? L’histoire ne nous le dit pas, mais on peut raisonnablement l’imaginer. A cette géologie complexe, il faut associer la météo provençale, l’une des plus favorables à la culture de la vigne, ainsi que la topologie des lieux qui favorise la maturation des raisins et leur concentration en arômes. Cabernet sauvignon, grenache, cinsault et syrah y puisent le meilleur pour donner le premier vin signé par Marcel. Un vin dont la qualité et l’excellence furent immédiatement reconnues. Pari gagné !
Ce premier essai fructueux permis au vigneron d’acquérir un nouveau domaine en 1930 : le Clos Mireille, à La Londe des Maures. Là encore, il faut saluer le caractère visionnaire de Marcel, qui voit au-delà de la jungle de mûriers, d’oliviers et de pins parasols en lieu et place des vignes que l’on connaît aujourd’hui. Effectivement, à l’époque, toujours point de vignes sur ces sols de schistes et d’argiles, en surplomb de la mer Méditerranée ! A force de travail et mû par sa passion, Marcel réussit à réhabiliter le Clos et à restructurer les lieux pour donner naissance à son second domaine. Il y signera des vins blancs et rosés reconnus parmi les meilleurs de Provence, ce qui lui permettra d’imposer le nom d’Ott dans le paysage viticole provençal. Son petit-fils René, qui travaille avec lui, jouera également un très grand rôle dans l’histoire du domaine, et du vignoble provençal en général : c’est lui qui dessinera la fameuse bouteille iconique des vins Ott. Inspirée des jarres antiques, sa forme permettrait de prolonger le bon vieillissement des vins. Si l’intérêt dans le verre se discute, on peut toutefois saluer la bonne idée « marketing », largement reprise de nos jours en Provence !
L’histoire familiale se poursuit en 1956, avec l’acquisition du Château Romassan, dans l'appellation Bandol. Là encore, d'importants travaux de restructuration furent nécessaires, particulièrement à la vigne où les petites parcelles furent réorganisées et nivelées, mais également au chai et à la cave. Ainsi, la bâtisse du XVIIIe siècle a été entièrement restaurée. Le terroir de Romassan se caractérise par des sols pauvres composés de calcaire, de grès et de marnes, propices à la culture du cépage indigène de la région, le mourvèdre. Un challenge accepté et brillamment relevé par la famille, qui saura prouver la maitrise de son art en sublimant ce cépage aux arômes rustiques et poivrés. Composant encore aujourd’hui plus de la majorité de l’assemblage des vins du domaine (associé au grenache, au cinsault et la syrah), il est vinifié en rosé et en rouge, confirmant s’il le fallait le talent vigneron de la famille.
Depuis, Christian et Jean-François Ott perpétuent la tradition familiale et continuent d’écrire cette belle histoire vigneronne que nous vous proposons de découvrir au travers notre sélection du mois.