La Corse, cette île mystérieuse, destination de prédilection des vacanciers de France te de Navarre, est une richesse de notre patrimoine vivant. En plus d'être une véritable joyau géologique, un trésor d'histoire, de géologie, de géographie et de gastronomie, c'est une terre de choix pour de très grands vins, qui ne brillent malheureusement pas de l'éclat qu'ils méritent !
C'est pour réparer cette erreur que nous mettons en avant le vignoble insulaire ce mois-ci, l'occasion d'en apprendre davantage sur l'histoire de ce vignoble magnifique !
Avant tout, il faut remettre un peu de contexte autour de l'île : qu'est-ce que la Corse ?
Une montagne au milieu de la mer : il y a plus de 100 millions d'années, la collision entre la plaque tectonique africaine venue chahuter la plaque européenne entraîne un séisme colossal, qui lui-même provoquera un rift de grande envergure. Qu'est-ce qu'un rift ? Rien à voir avoir une prouesse des sports mécaniques (le drift), il s'agit là d'un effondrement de la couche terrestre d'où peut résulter la formation d'importants canyons. Cet effondrement, concomitant à la pénétration de l'océan dans la zone via le détroit de Gibraltar (au sud de l'Espagne), entrainera le détachement et la dérive de deux blocs de terre du continent européen : l'un provenant du massif des Maures, l'autre de celui de l'Esterel, deux chaînes de montagnes qui surplombent toujours la Provence. Ces deux blocs donneront respectivement naissance à la Sardaigne et à la Corse, qui trouveront leur place définitive dans l'espace méditerranéen à l'issue d'une danse de plusieurs millions d'années au grès des incursions et excursions marines.
L'origine française dans deux îles est attestée par la pierre : les mêmes roches, datées aux mêmes ères géologiques, ont été retrouvées sur le littoral français méditerranéen et dans les montagnes corses ou sardes. L'histoire et les influences de différents peuples cliveront cette fraternité lithique, mais ce n'est pas le sujet !
Commencer par la géologie est essentiel pour comprendre ce qui fait la beauté et la spécificité sur vignoble corse : c'est le fondement de son terroir ! L'île se découpe ainsi en deux aires caractérisées par la roche mère qui les constitue.
La première, la région montagneuse hercynienne granitique, à l'ouest, est composée de vieux granits et de roches rhyolitiques (donc volcaniques) et s'étend sur plus de 5000 km² où elle déploie sa palette de couleurs flamboyantes, allant du blanc au rougeâtre, différentes nuances de gris ou de reflets bleutés. Le Monte Cinto constitue son plus haut sommet (2706 m).
Un honorable caillou qui trouve ses origines aux premières heures de notre planète : la montagne Hercynienne (encore appelée chaîne varisque) était un massif gigantesque qui traversait le continent à l'époque de la Pangée (vous savez, ce "méga-continent" qui réunissait les 6 actuels d'un seul bloc). Elle courait alors sur ce qui deviendra l'Amérique du Nord (depuis le Canada), l'Amérique du Sud (du Guatemala à l'Argentine et en passant par nombres de pays), l'Afrique, l'Australie, l'Inde, et la majeure partie de l'Europe. Des vestiges de cette méga-montagne sont encore observables aujourd'hui ! Vous y repenserez, quand vous foulerez les sols des granits roses de Perros-Guirec ou Ploumanac'h', en Bretagne, celui de la Montagne Noire des Pyrénées ou encore les côtes escarpées du Pays-de-Galles : vous marchez sur les plus vieux sols de notre planète, celui de ses premières heures !
La seconde région est celle dite "Alpine schisteuse", à l’est, une montagne de plus faible altitudes (son point culminant, San Petrone, s'élève à 1767 m), composée de roches plus sombres, aux formes douces. C'est le territoire privilégié des fameux châtaigniers, spécialité arboricole de l'île.
Vous comprenez maintenant que la Corse dispose d'un socle géologique extrêmement complexe, tel qu'observé en Alsace : la promesse de vins complexes et uniques !
Mais pour qu'il y ait vin, il faut qu'il y ait vigne ! Et c'est là que l'Histoire nous permettra d'y voir plus clair. De par sa position centrale au milieu de la Méditerranée, la Corse a toujours constituée une position de choix qu'il fallait occuper pour avoir de l'influence du temps de l'Antiquité. Concentré autour de cette petite mer chaude, le Monde "puissant" était effectivement Méditerranéen (ne disposant pas encore des techniques et technologies permettant de découvrir les sociétés des autres continents). Les connaissances et compétences de navigation ne permettaient qu'une exploration des terres et côtes avoisinant la Mer Méditerranée, et qui maîtrisait cette discipline présentait un avantage de poids dans l'activité politico-économique d'alors ! Vous l'aurez deviné, j'introduis par là l'un des peuples les plus puissants de l'époque, celui qui a fait de la navigation sa spécialité : les Phocéens !
Ses grands navigateurs venues d'Asie Mineure (aux environs de la Turquie et de la Grèce orientale) sont à l'origine des plus illustres colonies antiques. On compte entre-autres Massalia qui sera Marseille, Elée, qui deviendra Velia (à Salerne, en Italie) et Alalia, qui deviendra Aléria, ville de la côte Est Corse.
Ils accostent sur l'île et fondent leur colonie en 565 avant J-C après avoir été chassés de Massalia par Cyrus, un puissant général Perse. Comme à Massalia, ils importent avec eux leur culture de la vigne, qui fait partie intégrante de leurs traditions. Avec l'influence des Romains par la province de Gênes, toute proche, la vigne se développe, et par la position privilégiée de l'île au carrefour des plus puissantes civilisations antiques, le commerce du vin connaît un essor spectaculaire. Etrusques, Ibères et Ligures commercent avec les Phocéens pendant de nombreuses années.
Le vignoble Corse est ainsi né et prospère de nombreux siècles avant d'être touché par la crise du Phylloxéra, qui sévit dans toute l'Europe. Cet épisode malheureux précipitera l'exode des population agraires de l'île vers le continent, favorisant la disparition d'une grande partie du vignoble et de ses spécificités, à l'image de ses cépages. Quelques années plus tard, les progrès scientifiques et la découverte des porte-greffes, qui permettent de lutter contre les attaques du puceron ravageur, relanceront l'industrie agricole de la vigne, en France comme en Corse. Toutefois, pour se relever de la catastrophe économique engendrée par le phylloxéra et s'assurer le succès de cette agriculture, le choix sera porté sur des cépages "sûrs", capables de bons rendements, plus résistants aux maladies et à l'origine de vins du goût de la demande : merlot, syrah, cabernets… Pas de place pour les autochtones à l'heure où la vigne doit rapporter ! Dans la mouvance des vignerons de Languedoc et de Provence, mais aussi du Sud-Ouest (finalement, d'un peu partout), les vignerons corses privilégieront la quantité à la qualité, et aucunement ne sera mise en avant la spécificité du vignoble et du terroir corse. L'île est alors considérée comme une extension du vignoble provençale.
Cependant, quelques vignerons amoureux de leur terre et de leur métier changeront la donne, à l'image d'Yves Canarelli. Celui-ci fait figure de pionnier quand il prend la décision risquée de se concentrer sur la culture et la renaissance de cépages autochtones : niellucciu, sciaccarellu et autre carcaghjolu neru retrouvent alors une place de choix dans des vins qui auront pour vocation de rendre hommage à la richesse des terroirs de l'île. Faisant une croix sur la quantité et avec la qualité et l'identité comme moteur, nombreux seront les vignerons qui adopteront définitivement cette nouvelle façon de faire et de penser le vin.
Aujourd'hui, on observe une véritable renaissance du vignoble corse, avec ses vignerons stars (Clos Canarelli, Antoine Arena, Yves Leccia, Vacelli ou encore Giacometti). Tous proposent des vins d'une singularité et d'une identité unique qu'il est urgent de connaître et de découvrir !
On vous propose de commencer dès à présent avec notre Vigneron du Mois de Mai !