Ôde à Bordeaux : épisode 1 | Un peu d'histoire...

Bordeaux ! Voilà un nom aussi clivant que fameux !

Pour un caviste, l’évocation de Bordeaux a coutume d’engendrer deux types de réaction. La première, c’est le rejet total du client pour qui les vins bordelais sont synonymes de « jus de bois », de produits chimiques, de riches propriétaires éloignés de la terre et du monde paysan, ou encore de vins old school qui ne plaisent qu’aux aïeuls… La seconde, c’est l’engouement, les étoiles dans les yeux, la pâmoison autour d’un vignoble de légende, de prestige, qui n’a plus à faire ses preuves et dont les vins se dévoileront avec délice après quelques décennies de patience…

La vérité est quelque part entre cette idée de vins très boisés qui demandent une certaine expérience pour être pleinement appréciée, et cette qualité qui fait la splendeur du vignoble girondin.

Mais les facettes de Bordeaux sont multiples, et il est temps de remettre en avant les nombreuses richesses de ce vignoble emblématique !

Un peu d’histoire…

Il est toujours bon de jeter un œil dans le rétroviseur pour mieux apprécier et comprendre le présent. Vous le savez sûrement, on doit aux romains, aux grecs et aux phéniciens le développement de la viticulture sur notre chère Gaulle. A l’époque, la vigne reste toutefois cantonnée aux contrées méditerranéennes, mais le vin, lui, circule : gaulois et romains en font commerce, et peu à peu, certaines tribus gauloises prennent goût à la boisson bacchique et en troquent leur cervoise. Une consommation qui pénètre le quotidien et les mœurs gauloises avec une certaine influence sur leur culture. On peut dire que le vin a participé à lier les civilisations latines, celtiques et gauloises qui ont fondé la culture française ! Les générations suivantes affirmeront leur intérêt pour le vin, à l’instar des Bituriges Vivisques : cette tribu celtique convertie à l’agriculture et au commerce s’installe sur les rives de la Garonne et de la Dordogne au Ier siècle après Jésus-Christ pour y fonder Burdigala. Le climat doux et les terres fécondes du lieu y sont pour quelque chose ! Les fondateurs de Bordeaux ont alors l’excellente idée d’introduire dans la région un cépage encore peu connu des autres vignobles, le biturica. Particulièrement résistants aux aléas météorologiques et plus vigoureux que ses cousins méridionaux, le biturica s’épanouit et confirme sa communion avec le sol Budirgalais : au fil des années, il donnera naissance aux rois des cépages girondins, les cabernets.


Par la suite, la propagation du christianisme favorise la culture et la production de vin dans tout le pays. Bordeaux n’est pas en reste ! Historique terre à vins depuis des siècles, le vignoble bordelais prospère et croît au rythmes des ordres religieux qui se créent, des églises et chapelle qui se dressent et des fidèles qui se multiplient. Le paysage se dessinent de vignes au fur et à mesure que le territoire se christianise.  

La suite de l’histoire n’est pas moins illustre ! L’épisode marquant de la vie du vignoble est bien évidement l’union d’Aliénor d’Aquitaine à Henri II Plantagenêt, en 1154. Le Comte d’Anjou, fraîchement roi d’Angleterre, se marie à la sulfureuse duchesse d’Aquitaine et ainsi établit son autorité dans tout le Sud-Ouest du Royaume (en plus des très nombreux comtés constituant déjà l’Empire Plantagenêt). Un mariage qui n’aide pas à apaiser les relations houleuses entre anglais et français ! Toutefois, le point d’accord des deux peuples est sans équivoque : le vin de Bordeaux fait sensation outre-manche, et la nouvelle alliance en favorise le commerce. Une tendance qui s’inscrira dans le temps et qui se vérifie encore aujourd’hui : Bordeaux fait battre le cœur des Anglais, et le Brexit n’y a rien changé !

Un court moment d’histoire qui nous amène à l’ère contemporaine. On ne pourrait parler de Bordeaux sans faire un focus sur Robert Parker…

Cet avocat américain, grand amateur de Coca-Cola, rencontre le vin vers la fin des années 60, alors en visite en Alsace chez sa petite-amie de l’époque. Un coup de foudre qui donnera naissance quelques années plus tard à ce qui fera la renommée (et le glas) de nombreux châteaux : The Wine Advocate. Ce guide écrit par Robert Parker est publié pour la première fois à l’aube des années 1980. Robert Parker y partage ses dégustations, notées sur 100, et devient ainsi prescripteur de vins aux Etats-Unis. Avec une certaine tendance à la prémonition, ses dégustations sur fûts et en primeurs jugées comme exceptionnelles ou grandioses s’avèreront très souvent justes : si bien que les notes de Parker font le millésime ! Feinte ou subie, il n’en demeure pas moins que l’autorité du Wine Advocate rythmera la vie et le destin de nombreux châteaux. Pour plaire au critique, certaines propriétés choisissent alors de forcer le trait de ce qui semble lui plaire dans le vin, à savoir un penchant affirmé pour le boisé et les arômes de vanille et de coco propres à l’élevage en fût neuf de forte chauffe.

Longtemps encensé, le caractère « absolu » de l’opinion de Parker finira par agacer D’aucun le juge comme responsable du désamour des vins bordelais affiché par les consommateurs. Bien évidemment, il serait trop facile de résumer au seul fait d’un homme une tendance de consommation de milliers de personnes. Toutefois, ce qui semblait être le péché mignon du critique n’est pas sans rapport avec ce déclin.

Les vins de Bordeaux se caractérisent par trois aspects majeurs : l’usage des cabernets, la maîtrise de l’élevage en fûts neufs et la vocation de garde. Par conséquent, ils demandent de la patience et des conditions de conservation spécifiques afin d’être pleinement appréciés et dégustés. Des exigences difficilement conciliables avec notre époque ! Concentrés dans les villes où l’appartement est le lieu de vie majoritaire, les Français n’ont plus de cave où conserver les vins. Les maisons sont l’apanage des villes rurales ou des campagnes… où le niveau de revenus est rarement compatible avec celui des grands vins de garde (au contraire de celui des villes, bref, c’est le serpent qui se mord la queue !). Autre point d’orgue du phénomène : le goût des consommateurs a changé. Demandeurs de vins fruités, souples, « faciles et digestes », les amoureux du vin ne retrouvent pas dans les grands vins de Bordeaux ce qui leur plaît tant. Le prix des bouteilles achèvent de sceller le sort des vins aux oubliettes des caves !

Pour enterrer plusieurs siècles de lumière, il fallait une poignée d’années et un état d’esprit à la mode : celui d’opposer tradition et modernité, authenticité et renouveau, l’ancien et le neuf. Nombreux furent les sommeliers, les cavistes, les prescripteurs et les vignerons à crier à qui veut bien l’entendre que le « vrai » vin, celui du terroir, est nécessairement nature, sans intrant, sent la terre et le fumier, se débouche sans fioriture et n’a pas vu de bois. L’opprobre à Bordeaux était toute trouvé, ainsi est né le Bordeaux Bashing !

Evidemment, les raccourcis sont faciles, et la sagesse réside dans la mesure et la réflexion. Par chance, celle-ci gagne du terrain, et Bordeaux réussit petit à petit à faire entendre raison aux maîtres à penser têtus.

Dans le prochain épisode, nous ferons un saut dans le vignoble au plus près de la vigne : car Bordeaux, c’est une dizaine de cépages à redécouvrir, et presque autant de vins à se remettre en bouche !

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