Vous êtes du genre à regarder la capsule congée des collerettes pour faire votre choix, quand vous achetez une bouteille ? Bon réflexe, mais qui ne doit pas essentialiser votre façon d’acheter ! Car les vins de négoce (large terme qui englobe différents modèles) réservent parfois de très belles surprises…
C’est le cas des vins signés Lucien Le Moine. Sous ce pseudonyme se cache un duo : Mounir Saouma et sa femme Rotem. Pour la petite histoire, Mounir, qui a appris l’art de la vinification auprès de moines trappistes, s’est très vite vu surnommé « le moine » par son entourage et ses confrères. Les moines, quant à eux, l’appelaient Lucien (l’origine de cette private joke ne nous a pas été révélée) : il n’en fallait pas plus définir le nom de leur domaine ! Un domaine sans vignes et sans chai de pressurage, car l’activité du binôme, c’est l’élevage.
Tout commence aux vignes, cependant : Rotem et Mounir se sont tissé un réseau de vignerons talentueux, dont ils surveillent le travail depuis des années. Leur vocation étant d’élever de très grands vins de Bourgogne, cette région dont ils sont tombés amoureux et qui leur a donné l’envie de créer des vins, ils portent un regard rigoureux sur la qualité des raisins qui constitueront leurs nectars: ainsi ils se concentrent sur des viticulteurs et vignerons qui partagent cette même rigueur, cette même attention et cette même recherche de qualité. La maison travaille au contrat annuel afin de se réserver la liberté de ne pas reconduire une collaboration qui ne répondrait plus aux critères d’excellence qu'elle s'est fixée.
La vinification est ensuite prise en charge par le viticulteur, s’il est vigneron, ou par un vinificateur choisi selon la même exigence. Après la fermentation en cuve inox, le travail des Saouma commence. Place à la magie de l’élevage ! Les fûts sont choisis au préalable auprès de tonneliers sélectionnés par le couple, avec qui ils décident des chauffes et d’autres paramètres. Les jeunes vins sont ensuite élevés plusieurs mois, en alternant séjours en barriques et en cuves, selon leur profil. L’idée du domaine et d’offrir aux dégustateurs une mosaïque la plus représentative possible de la région, “une bibliothèque de la Bourgogne pour chaque millésime”, pour reprendre les mots de Rotem. Le domaine joue donc sur une large gamme d’appellations, de Chablis en Côte d’Or, avec un certain amour pour cette dernière : Volnay, Meursault et Gevrey-Chambertin ont en effet la part belle dans l’offre Lucien Le Moine. Les vins sont ainsi soignés et choyés, en respectant les deux règles sine qua none la maison : leur laisser du temps et travailler avec leurs lies. Chaque cuvée est effectivement élevée sur lies pendant de très nombreux mois, pour apporter au vin ce supplément de matière et de complexité qui fait les grands flacons. Enfin, le temps, c’est aussi la destinée des vins signés Saouma, le couple assumant de produire des vins taillés pour la garde, pour le temps long…
Avant de vous livrer notre rapport de dégustation, je vous laisse sur cette phrase bien pensée de Rotem, qui cristallise tout l’esprit Lucien Le Moine depuis sa création en 1999 : “un vin qu’on peut garder longtemps est intéressant à chaque moment de sa vie”.
La dégustation du millésime 2020 :
Les rouges ont ouvert le bal, avec une première danse menée par un Pommard 1er Cru Les Epenots : une robe dense qui laisse présager bien des délices ! Le nez nous confirme nos impressions et joue la carte du fruit rouge croquant, avec une belle trame épicée et de jolies notes de poudre ancienne. Les tanins, très fins et resserrés, glissent en bouche et tapissent le palais. Une bouche déliée, délicate, juteuse, sur une finale charnue.
Nous poursuivons avec le Gevrey-Chambertin 1er Cru Lavauts Saint Jacques, qui nous plonge dans une dimension plus florale : le verre exhale des parfums de rose fraîche et séchée, avec toujours cette poudre à l’ancienne et ce talc en note de fond. Une bouche aérienne, juteuse, portée par des tanins presque imperceptibles et de très jolis amers en finale. Grande délicatesse !
Changement de registre avec le Gevrey-Chambertin 1er Cru Les Cazetiers : ici, les notes empyreumatiques donnent le ton, avec beaucoup d’élégance et de précision. Des notes de fumée, de baies de cacao torréfiées, de cuir chaud, de tourbe, avec ce quelque chose de salin et de minéral : on pense à de la pierre chaude, brulée. Les épices lient l’ensemble avec brio (clou de girofle, genièvre et poivre noir). L’ensemble reste très frais et équilibré. En bouche, une matière dense, pleine, nous présente des tanins corsés, mais toujours d’un grain fin et fondu. La finale est sapide, on en redemande : un très grand vin !
Le Vosne Romanée 1er Cru Les Suchots calme le jeu en nous offrant ses arômes gourmands de fruits jaunes cuits, de caramel brun, tout en gardant cette aura fumée, grillée et ces notes de giroflier en arrière plan. La réglisse est également de la partie. La bouche est souple, salivante, avec cette finale poivrée qui ravie les sens.
Place aux Grands Crus : le Clos Saint Denis lance les festivités sur un nez profond, de bois sec, de feuilles de cassis et de figuier, de fumée (toujours !), de musc et de cuir. La poudre à l’ancienne refait surface, surprenant dans cette profusion de notes boisées et résineuses. La bouche est dense et pleine à l’attaque, mais se fait très vite cristalline, avec des tanins d’une grande finesse et un toucher de tulle. Déjà grandiose !
Le Clos de la Roche présente quant à lui un nez discret, timide, qu’il faut aller chercher. Se déploient alors des arômes de fruits noirs cuits, de fleurs et de résine. Un vin très posé, calme, qui prend son temps. La bouche se révèle juteuse et énergique, minérale et vibrante, avec une mâche plus présente qu’on le soupçonnerait, des tanins fins et resserrés, un toucher de taffetas.
Nous vous livrerons la suite de notre dégustation au prochain post. Au rendez-vous : les blancs du millésime 2020, et bien sûr, leurs pépites de Chateauneuf-du-Pape, des vins signés Saouma sur les première vignes conduites par le couple !
Stay tuned...